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vendredi 22 avril 2011

Guyane 2, fleuve Maroni et affluents (2007)

Je vais donc essayer de relater un peu ce que j'ai vécu en avril 2007 en Guyane Française, perdu en pleine jungle

Certains d'entre-vous ont déjà lu le report puisque ça s'est passé il y a 4 ans déjà, mais je le met pour les autres, et pour centraliser les reports sur One Love Fishing

Cette année encore, j'étais le seul Toubab du staff du Raid Amazonie, une course difficile, de 125 km cette année, qui réunit des sportifs de haut niveau pour abattre cette distance en .....5 jours.
Mes rôles étaient d'assurer le ravitaillement en eau (100 packs de 6), et de bouffe. Je devais également prendre les chronomètres à l'arrivée.
Mais surtout, je suis parti pour établir le campement en forêt profonde, construire un carbet (sorte "d'armature de cabane" recouvert d'une bâche pour y accrocher nos hamacs)

Après 8h ou 9h de vol, dès l'arrivée à Cayenne, on s'embarque dans le bus qui va nous emmener à Saint Jean du Maroni, en 3h
Dès le lendemain, je quitte les coureurs, et je m'embarque sur la pirogue, direction le Surinam (sur la rive d'en face du Maroni, pour chercher de l'essence et des cuisses de poulet.....(beaucoup moins cher = 17 euros la cartouche de Marlboro), et je ne reverrais les hommes blancs que plusieurs jours après.
Les locaux sont des Taki-Taki, peuple du fleuve, issus de la caste des Buchiningués.



Ce petit singe s'appelle Tino, c'est un jeune Attelle de 1 an (ou "singe araignée"), adopté par Tina, le 2e singe avec lequel nous sommes partis



Mon matos :
- Canne Procyon MH, et Revo STX garni de Stren 32 centièmes
- Canne MM ( icon_cool.gif ) Drachko prestige, et moulin "Blue Arc" de Spro, garni de tresse Spro 35 centièmes (au moins si il y a casse ou vol, je ne stresse pas)

Et nous partons avec du riz, des cuisses de poulet, des filets et mon matos, direction la "Crique Sparwin".
Évidemment, nous sommes en pleine jungle, et chaque tournant de la rivière nous donnera son lot de surprises, comme un de ces arbres qui barre complètement le passage, et qu'on devra débiter pour passer



Néanmoins, nous profitons du trajet pour récolter quelques denrées, pour nous apporter des vitamines nécessaires



Incapable de vous donner le nom de cette gousse, nous l'appellerons comme les Taki-Taki : le "Bonbon Guyane", .....vraiment excellent (mais c'est quoi ces petits points noirs sur les graines ? Des oeufs de larves prêts à cramer le système digestif d'un toubab comme moi ? Tant pis, dans le doute je mange, et advienne que pourra)



Puis, après quelques heures de voyage encore, nous arrivons enfin sur le spot. Il nous reste 3 h de jour, le temps est incertain (il pleut tous les jours, par vague de 10 minutes à 1h, ....on est bien en forêt tropicale humide)
Il faut absolument qu'on se maaaagne de construire le carbet, si on ne veut pas se faire saucer cette nuit
Nous nous séparons donc dans cette jungle par groupes de 2 pour repérer les arbres, .....et on tombe sur cette pauvre tortue terrestre, que les gars veulent évidemment manger le soir (ils sont graves : tout ce qui bouge se mange)....elle a fini par réussir à s'échapper (qui a dit que je l'avais un peu aidée ?)



La première nuit fût un régal : la totale, comme dans un rêve. Avant de me coucher j'entends les Aras (Macao), qui volent en couple et qu'on peut apercevoir furtivement entre les trouées d'arbres.
Le lendemain matin, on se fait réveiller par les Baabous (singe hurleur roux), juste au-dessus du carbet qui nous jettent des bouts de bois sur la bâche (sympa les gars)
Et la pêêêche va enfin pouvoir commencer dès le réveil !!!!!



En arrière plan, l'ancien carbet qu'on avait construit l'année dernière, et une dizaine de mètres en contrebas, la salle de bain (ah non, la rivière pardi)

Je démarre la pêche tranquillou, le spot est beaucoup trop encombré pour risquer de perdre des beaux leurres, j'attaque donc avec une cuiller Décath' pour ne pas avoir de remords (je rappelle que la pêche aux LS est strictement impossible a cause des Pirhanas, qui coupent le leurre en queue systématiquement, ......exit donc les Carolina et autres Texan)

Et je sors ça :



Encore une fois incapable de vous donner un nom Français, nous appellerons donc les poissons avec leurs noms locaux.
Celui-ci, c'est le poisson "Docteur", un ADONKO.

Tandis que les Taki vont poser leurs filets, pour remonter un seul poisson le lendemain matin :



C'est le "Jamais goûter", ....très bon pourtant
Et là, ça enchaîne, j'ai au moins 3 jours avant que les coureurs arrivent, mon temps se répartit donc entre :

La pêche (pieds nus et en caleçon, j'oserais pas parler de Wading)





Voilà la magie de cette satanée Drachko de 2.70m, pour pêcher entre les lianes, esquiver les accrocs au fond, anticiper cette branche qui va me taper la tête et me faire tomber des Mygales, ou autres bestioles sympa sur la tête, gérer le courant et la dérive, .....bref, une aventure dont je ressortirais capot (de toute façon, j'étais à moitié tremblant à cause de la chaleur, et certainement à cause du manque de vitamines...)



Au départ, j'étais pourtant frais et solide :



Mais c'est vrai que cet enfer vert, a eu raison de mon mental pendant quelques instants.
Et ce foutu Taki-Taki que je ne parle pas couramment, " Mais qu'est-ce que vous dites les gars ??"
En fait, c'est une langue un peu dérivée de l'Anglais
ex : Go ouassi = se laver (un peu comme "go washing")

Le gamin rigole sur mes leurres, me dit (pour la 50 millième fois) que je ne prendrais rien, que ça ça ne marche pas en Guyane,
que les Aimaras et Tucunarés (Peacock Bass) ne se pêchent qu'à la cuisse de poulet (mais on ne pouvait pas se servir, on avait pile le compte de pilons pour les coureurs, sinon, j'aurais dû accrocher mon repas à l'hameçon.........si je prends un gros poisson le deal me va, mais si je suis capot, alors je crèverais la dalle)

Là je passe une tête plombée au gamin, il attrape une chenille sur une feuille, esche le bestiau, et à peine le temps de descendre son fil sous la pirogue, qu'il remonte en moins de 10 secondes ceci :



C'est un DJAKI (regardez bien ses barbillons, ......ils sont aussi longs que lui, jusqu'à la queue)

La pêche foire, que ce soit au filet ou avec mon matos rutilant, et on commence à flipper, on ne s'attendait pas à ça
Branle bas de combat, on se sépare, toujours par groupes de 2, et on s'enfonce dans la forêt, en criant toutes les 5 minutes environ pour rester en contact, ....c'est bon les autres sont pas loin

Je pars donc avec le pote "Panther", son fusil de la guerre de 14, et 5 cartouches avec le culot rouillé (je porte les cartouches, et là je vois.......plomb de 5. Mais qu'est ce que tu veux tuer avec ça ??? Et si on se fait foncer dessus par un jaguar, un tapir, un cochon bois ou autre ???!! On fait comment ?)
Je serre ma machette très fort, tous les sens en écoute.
Même à la chasse, on revient bredouille, on se rabat donc sur des noix de "palmier"
Il enlève son T-shirt, le noue à ses pieds et monte avec la machette, me laissant le fusil



Enfin, les coureurs arrivent en fin de journée et on peut enfin griller ce foutu poulet qui me fait rêver depuis 3 jours



Finalement on repart le lendemain avec tous les coureurs, mais on est trop, ......beaucoup trop pour monter tous dedans (15 personnes qui débarquent d'un coup, ça fait bizzare), ......tant pis, pas le choix, on embarque sur le bassboat

L'inévitable arrive : dans un tournant de la rivière, le bassboat se met en travers, .....et éperonne un maxi tronc d'arbre qui perce la coque à 20 cm des "bijoux de famille" d'un coureur
Tout le monde stresse, sauf les Taki et moi (on est plus à ça près), mais c'est vrai qu'on était dans une situation archi délicate : encore 7 bonnes heures de pirogue avant d'atteindre le 1er village...

Pas de souci pour John, le rasta, qui se met à demander une bière
Sans rien dire (et pendant qu'on se relaye pour écoper), il donne un bon coup de couteau dans la canette, attrape un bout de carton, des clous, un marteau et c'est parti mon kiki, ......no stress



Et on peut repartir peu de temps après. Le type à côté de lui, c'est presque un sur-homme : vainqueur du raid Amazonie, double champion du monde de marathon extrême, 18 ans de GIGN italien (les NOX), 5 ans de légion, garde du corps du président du sénat italien, ...........il a dû fuir l'italie, parce qu'il était spécialisé dans la lutte contre la mafia, et sa femme et son gamin se sont fait assassiner il y a 6 ans........(pour les sportifs intéressés, il s'appelle Modestino Preciozzi, ...pas sûr de l'orthographe du nom de famille)

Cool de repartir, parce que ma pêche foirait sacrément
En atteignant le Maroni, les résultats ne se font pas attendre :










En Local : PILEN, ou PIRAYE, .....pour nous Français, vous aurez certainement reconnu les Piranhas.

Pour info, a priori, il n'y a pas de Piranhas partout en Guyane, ils semblent localisés. On peut les prendre avec différents leurres, mais il faut un hameçon en bout de leurre systématiquement car ils tapent court. L'eau est mâchée, relâcher son poisson n'est pas dans les habitudes des Guyanais, donc il n'y a pas de méfiance sur des leurres bruiteurs. Ne pas hésiter donc à pêcher avec des vibrations, des petits jerkbaits, etc.
L'eau est couleur chocolat, mâchée au possible, donc ne pas hésiter à envoyer les leurres bruiteurs. Une fois qu'on en prends un, c'est une pêche de vitesse comme on pourrait la pratiquer chez nous sur les ablettes ou sur les perches. On décroche rapidement, et on relance son leurre dans le banc de poissons !

Ca mord bien, et un soir dormant à moins de 10m du Maroni, je pêche ......évidemment
Les leurres ne donnent rien pendant 2h, ça me gonfle, et je décide de récupérer un Piraye pour le mettre en plombée (j'avais déjà la honte de la Drachko, alors autant assumer jusqu'au bout pleureur)

J'ai eu entièrement raison puisque au bout de 10 minutes, je sors ça :





Ils l'appellent le "Poisson tigre", ou LOWI, ........j'ai pu le relâcher après photo celui-là

Ah oui, j'ai oublié de dire que pendant que je douillais pendant 2h aux leurres, le gamin va se chercher une canne chez le détaillant du coin (l'arbre le plus proche), accroche le 40 centièmes Stren que je lui ai donné, met un bout de pain à l'hameçon, .......et enchaîne les poissons, dont ce magnifique doublé



C'est un COCO et je crois qu'ils appellent ça un MACHOIRON également
Un poisson mange le bout de pain, qui ressort par l’ouïe, et un 2e fish gobe le reste de pain, ......doublé CQFD (Et un IRIE prêt à bouffer ses leurres lui même)

Comme si la démonstration ne suffisait pas, il accroche un bout de piraye cette fois-ci, et en quelques minutes, plus quelques instants de combat sur son matos haut de gamme, ....il sort ça :



C'est la TIOUBOULA, ou raie de rivière dont la piqûre est très douloureuse

Puis je quitte le village Sparwin, avec un petit clin d’œil à cette frog locale, que j'ai appelé arbitrairement "grenouille feuille "



Je stresse quand même sur la pêche parce que je suis venu pour baver devant les Peacoks, équipé de maxi poppers Halco, et autres stickbaits Misscarna, ....mais je n'en ai pas pris un seul

Le voyage se termine dans 2 jours, mais heureusement, cette nuit on va aller rejoindre un campement en forêt, près d'une rivière où il y a "plein" de Tucunarés (Peacocks), ....j'aurais donc une dernière chance, mais je n'aurais que 1h de pêche le lendemain matin avant de repartir vers Cayenne, .......allez mon gars, motive et concentré sur ta pêche : t'as pas le droit de rater un seul poisson...j'en dors pas de la nuit

Et là je rejoins la rivière, ......mais effroi en arrivant, je connais très bien cette couleur d'eau......c'est le mercure des Orpailleurs Brésiliens (chercheurs d'or), qui a flingué toute vie qu'il pouvait y avoir, ..........cette rivière était transparente il y a 6 mois, et on voyait le fond partout, y compris dans cette fosse de 4m, ......que je n'aurais jamais vu



J'y ai pêché de désespoir, mais je savais très bien que je ne prendrais rien, ....par contre je ne savais pas que j'allais y laisser mon Vision X
Le pire c'est ce qui est écrit derrière mon T-Shirt : "Puisque la vie est éphémère, je veux en saisir la beauté", ...phrase de Fundé, un groupe de reggae ami avec qui on a joué lors de nos premières tournées (www.funde.fr)

Enfin voilà les amis. Je n'ai pas mis que des photos de pêche, mais il m'apparaissait nécessaire de vous monter les tofs de l'aventure pour aider à comprendre le contexte, .....et ce qui peut se passer dans notre tête quand on est en conditions de survie.

Je terminerais sur cette phrase de John qui m'a fait rêver au milieu de quelques instants de disette :
"Si un jour tu n'as rien à manger, que tu te retrouves en forêt mais que tu ne sais pas quoi manger, ....alors tu dois marcher jusqu'à ce que tu trouves les Baabous (singes hurleurs). Tout ce que les singes mangent, tu peux le manger, ...et tu vivras"

Merci John pour tout ça, cette belle leçon de vie, ...et rendez-vous bientôt !

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